Le temps se gâte

LE TEMPS SE GATE
 

Du temps au climat

L’Institut de recherche sur les impacts du climat de Potsdam (Allemagne) a publié récemment un document intitulé : The Copenhagen Diagnosis : updating the World on the Latest Climate Science. Selon ce rapport, «La température de l’air devrait se réchauffer entre 2 et 7 degrés en 2100 par rapport à la période préindustrielle». La conférence de Copenhague qui s’est tenue du 7 au 18 décembre 2009 était alors, selon de nombreux observateurs, une opportunité historique de «stopper le changement catastrophique du climat».
Le climat est-il donc en train de changer ? L’augmentation de la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes : sècheresses intenses en Australie, en Chine et en Argentine, inondations au Maroc, tempêtes en France etc..., suscite un débat parmi les climatologues du monde : s’agit-il de caprices du climat ou assiste-t-on aux premiers signes d’un changement climatique ? Et si tel était le cas, les activités humaines, industrielles, agricoles, de loisirs... en sont-elles les principales responsables ? Le débat est ouvert, il oppose une grande partie de la communauté scientifique qui fait sienne cette hypothèse à une minorité de «climato-sceptiques» pour lesquels ce «réchauffement» n’est qu’une invention de quelques climatologues en mal de budget.
Vouloir trancher ce débat serait faire preuve non seulement d’une considérable présomption mais également d’une évidente malhonnêteté intellectuelle tant les mécanismes qui régissent le climat de la terre sont nombreux, variés et encore trop partiellement connus. Le présent article n’a donc pour ambition que d’apporter quelques éclairages afin que chacun puisse disposer des éléments nécessaires à sa propre réflexion.

Du temps au climat

Le temps qu’il fait : températures et précipitations (pluie, neige, grêle, rosée) sont les deux données élémentaires de la météorologie auxquelles on peut ajouter (surtout dans notre région !) les mouvements des masses d’air, c’est-à-dire le vent. La météorologie procède à l’observation des phénomènes atmosphériques groupés sous le nom de météores.

Températures et précipitations sont ressenties comme des phénomènes partiellement discontinus qui se combinent entre eux (il pleut ou il ne pleut pas ; il fait froid, doux ou chaud).

Le nombre des possibilités est assez réduit, même si l’éventail réel est un peu plus large que celui du tableau. Les nuances sont évidemment très nombreuses, des situations intermédiaires marquent le passage d’un type de temps à un autre. On note aussi des transitions d’une région à une autre.

Le climat, une grande synthèse

En un lieu de la surface du globe, la succession des types de temps est régulière. En effet, d’une année sur l’autre, on les retrouve approximativement dans le même ordre pour une même période. De sorte que l’on peut utilement reprendre la définition de Max Sorre pour lequel le climat est «l’ambiance atmosphérique constituée par la série des états de l’atmosphère au dessus d’un lieu dans leur succession habituelle». En d’autres termes, le climat est la succession régulière des types de temps en un lieu donné. La climatologie implique donc la connaissance des états de l’atmosphère, c’est-à-dire sa température, son humidité, sa dynamique (pression, mouvements verticaux et horizontaux).
On essaie en général d’analyser cette suite sur 30 ans, à l’image de ce qui se pratique pour l’examen des températures et des précipitations. L’écart d’une année courante par rapport à la moyenne peut alors être évalué. Cela devrait permettre d’estimer les tendances de l’évolution du climat.

Il ne s’agit pas là de prévision, mais d’une évaluation statistique qui permet aujourd’hui, grâce à la puissance des ordinateurs, la modélisation des situations climatiques et l’estimation des probabilités de leur survenue.




 
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Coucher de soleil sur le ventoux

 

Le climat : des conditions multiples

Les climats de la terre résultent de trois groupes de facteurs :


• Les facteurs cosmiques, essentiellement l’énergie solaire et ses variations.

• Les facteurs planétaires : répartition de cette énergie en fonction de la sphéricité de la terre et de ses mouvements, du dynamisme de l’atmosphère.


• Les facteurs géographiques : les courants marins, les reliefs, le volcanisme et les activités humaines.


L’énergie solaire arrive sous forme de rayonnement, un flux d’énergie dont l’œil humain ne perçoit que la partie visible, c’est la constante solaire. Celle-ci est de l’ordre de 2 calories/cm2/minute. La moitié de cette énergie atteint la surface de la terre, le reste est absorbé par l’atmosphère, diffusé dans l’espace par la vapeur d’eau, les gaz, les poussières, ou est réfléchi par les nuages et la surface de la terre qui se comportent comme des miroirs : c’est l’effet de serre. Dans la haute atmosphère, une couche d’ozone absorbe la majeure partie du rayonnement ultra-violet qui, sans cela, brûlerait la surface terrestre. Le rapport entre les apports et les pertes d’énergie, appelé bilan radiatif, est globalement équilibré (la quantité d’énergie qui entre dans le système atmosphère-terre est égale à celle qui repart vers l’espace) mais inégal : certaines régions, perdent plus d’énergie qu’elles n’en reçoivent, d’autres en absorbent plus qu’elles n’en restituent vers l’espace. Les raisons en sont variées :
• selon leur aspect et leur structure, les corps constituant la surface de la terre ont un pouvoir réfléchissant plus ou moins fort. Ils absorbent - donc transforment en chaleur - une quantité d’énergie solaire différente. On appelle albédo le pourcentage de l’énergie réfléchie par un corps par rapport à l’énergie reçue.


On constate que les surfaces claires réfléchissent davantage l’énergie reçue.


• la différence d’angle d’incidence du rayonnement solaire constitue un autre facteur important de l’inégalité du bilan radiatif : l’inclinaison différente des rayons solaires par rapport au sol (angle d’incidence) est à l’origine d’un réchauffement inégal de la surface terrestre. De sorte que l’intensité du rayonnement est atténuée vers les pôles et maximale dans la zone équatoriale.
• Courants marins, circulation atmosphérique, relief et installations humaines influent également sur le bilan radiatif local.




 
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La valse des climats

Le Groupe Intergouvernemental pour l’Etude du changement Climatique (GIEC) a constaté :
- une augmentation des températures moyennes de 0°7 en un siècle.
- une diminution de l’étendue et de l’épaisseur de la banquise arctique.
- une augmentation significative du niveau de la mer.
Autant de signes qui lèvent le doute sur la probabilité de l’existence d’une modification en cours du climat de la terre. La question est de savoir si l’homme en est le principal responsable ou bien si la terre va connaître un nouveau cycle comparable à ceux qu’elle a déjà connus.
En effet, au cours de son histoire géologique, la terre a connu de nombreuses variations climatiques alternant glaciations et périodes chaudes.
Les preuves sont nombreuses de l’existence de paléoclimats ou climats du passé. Leur étude ne peut se fonder - et pour cause - sur des mesures météorologiques, elle s’appuie sur l’étude géologique, et pétrographique ainsi que sur celle des flores et des faunes fossiles. Sur de plus courtes périodes, la dendrochronologie (étude des cernes de croissance des troncs d’arbres) permet d’identifier les variations climatiques d’une région pour les siècles passés.




Du chaud au froid et inversement

Pendant toute son histoire géologique, la terre a connu des alternances de périodes chaudes et de périodes glaciaires. La plus ancienne de ces dernières semble remonter au précambrien (-2,3 milliards d’années). Il y aurait eu en tout suivant les régions et les scientifiques entre 6 et 8 périodes glaciaires séparées par des réchauffements.

À l’échelle humaine

Plus près de nous, E. Le Roy Ladurie distingue plusieurs variations climatiques depuis le Moyen-Âge :
• Le petit optimum médiéval, entre 800 et 1120 caractérisé par des hivers peu neigeux et de bonnes récoltes céréalières.
• Une alternance de périodes froides et plus chaudes entre 1303 et 1550 pendant lesquelles se succèdent canicules, hivers humides et étés «pourris».
• Un « petit âge glaciaire » entre 1550 et 1850, qui correspond à une extension de la banquise arctique et à une avancée des glaciers de montagne.
Des archives historiques, des peintures d’époque témoignent d’hivers rudes et enneigés notamment celui de 1708-1709 où se succèdent 7 vagues de froid entre le 19 octobre 1708 et le 15 mars 1709.

Si le climat est en train de changer, il convient, pour tenter de l’expliquer, de distinguer le court terme du long terme. En effet, à long terme, ce sont surtout des phénomènes cosmiques et géophysiques qui modifient le climat. L’astronome serbe Milankovic a montré entre 1920 et 1941 que la terre subit trois variations et que celles-ci sont les causes de changements climatiques :

• La variation de l’axe des pôles (précession) : celui-ci décrit un cône en 25 868 années, ce qui modifie l’inclinaison de la terre donc les conditions climatiques.


• l’obliquité : l’axe de rotation de la terre est actuellement incliné de 23°27’ par rapport au plan de l’écliptique. Mais cette inclinaison varie entre 21°59’ et 24°50’.


• La variation de l’orbite terrestre : elle passe du cercle à l’ellipse en 100 000 ans environ. Combinée à la variation de l’axe des pôles, elle pourrait expliquer l’alternance glaciations-périodes chaudes.

Du refroidissement ...

À court et moyen terme, les causes des changements climatiques seraient les variations de l’activité solaire et les éruptions volcaniques.
• Certains spécialistes mettent en cause les taches solaires pour expliquer les variations climatiques de l’ordre du siècle. Ainsi, la raréfaction des taches entre 1645 et 1715 pourrait être responsable du petit âge glaciaire. Mais depuis 1911, la constante solaire ne cesse d’augmenter.

• Les éruptions volcaniques de forte ampleur influencent le climat de façon importante pendant plusieurs années. Benjamin Franklin a été le premier à le constater : il a fait le rapprochement entre l’hiver rigoureux de 1783-1784 et l’éruption de l’Eldeyar et du Jökull en Islande.
Une éruption projette en effet à plus de 30 km d’altitude d’énormes quantités de poussières et de gaz notamment du dioxyde de soufre (SO2). Parvenu dans la stratosphère, celui-ci se transforme en acide sulfurique (H2SO4) qui se condense en aérosols formant un écran qui réfléchit la lumière du soleil, ce qui a pour effet de provoquer à l’échelle de la planète une baisse des températures de 0,1 à 0,7°.

Pour se limiter aux 30 dernières années, citons quelques éruptions de grande ampleur qui ont affecté le climat :
• Du 27/03 au 18/05/1980, le Mont Saint-Helens (Etats-Unis) a expulsé 540 000 tonnes d’aérosols qui ont fait baisser la température de l’hémisphère Nord de 0,1°.
• Le 03/11/1985, le Nevado del Ruiz (Colombie) a éjecté 560 million de m3 d’aérosols.
• Le 07/11/1991, le Pinatubo (Philippines) : 20 millions de tonnes de dioxyde de soufre ont fait baisser la température de 1,5° aux latitudes élevées.




Au réchauffement

« À en croire les experts, les activités humaines ont donné lieu en un siècle et demi au largage dans l’atmosphère de quelque 350 milliards de tonnes de carbone soit environ 1300 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO2). A l’énoncé de tels chiffres, l’esprit défaille et l’opinion se demande si l’homme ne devrait pas réduire ses rejets : environ 28 milliards de tonnes de CO2 par an, déboisement compris. Pour autant, ces quantités qui inquiètent aujourd’hui ne sont qu’une infime proportion par rapport aux gigantesques stocks de dioxyde de carbone d’origine naturelle de la planète.»

En effet, le carbone et ses dérivés (monoxyde, dioxyde) sont naturellement présents dans l’atmosphère, l’océan, le sol et la biomasse végétale. Associés à d’autres gaz tels que le méthane (CH4), l’oxyde nitreux (N2O), l’ozone (O3).

Ils sont responsables de l’effet de serre sans lequel la terre aurait une température moyenne de -18° au lieu de 14°. Ce sont des gaz qui laissent passer la lumière du soleil mais piègent le rayonnement infra-rouge émis par la surface de la terre occasionnant ainsi le réchauffement des basses couches de l’atmosphère.

Alors que conclure ? D’abord que certains faits sont scientifiquement établis :
• la température moyenne globale a augmenté au siècle dernier de 0,7°.
• le niveau des océans s’est élevé de 17 cm.
• les glaces ont perdu 10% de leur couverture.
• le taux de CO2 dans l’atmosphère a augmenté.
Pour autant, faut-il considérer ces chiffres comme un indice d’un changement climatique profond dû aux gaz à effet de serre produits par les activités humaines ? Pas de panique, laissons faire la nature qui, de toute façon, n’a que faire de l’Homme, une espèce parmi tant d’autres, mais infiniment petite et faible et qui, malgré son intelligence, est impuissante devant elle. Ce qui ne doit pas cependant nous empêcher de prendre des mesures préventives car si réchauffement d’origine anthropique il y a, il ne sera véritablement détecté que quand il sera trop tard pour intervenir.

André Vissecq, bedouanais




Sources

-Notes de cours de géographie physique de l’université d’Aix-en-Provence, 1964.
-Marcel Lachiver, Les années de misère, la famine au temps du Grand Roi, Fayard, 1991.
-Emmanuel Le Roy Ladurie, Histoire humaine et comparée du climat, Fayard, 2004.
-Milutin Milankovic, Théorie astronomique du climat, 1941.
-Max Sorre, Les fondements biologiques de la géographie humaine, Armand Colin, Paris, 1943.
-Georges Viers, Eléments de climatologie, Fernand Nathan, Paris, 1968.
-Journal Le Monde.
-Rapports du Groupe Intergouvernemental d’experts sur l’Evolution du Climat (GIEC).
-Revue L’Histoire n°7.




 
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