Histoire de Bélézy

                                                                              Vue sur le mas

                                                                                       Vue sur le mas

 

Étymologie :

 Les diverses mentions rencontrées offrent des orthographes différentes : Bélégy, Bélisy, ou Bellisi. Le piedestal de la statue de la Vierge indique encore Bellezi. Étymologiquement, ce mot dérive peut-être de l'italien bellissimo, qui veut dire très beau. En effet la région entretenait des relations très intenses avec l'Italie, notamment lors de l'acquisition, en 1446, par Ottavia Aureliano de Vicence de l'usufruit des terres de Bedoin. Déjà les italiens auraient succombé au charme de la vallée enchanteresse et l'auraient baptisée du plus beau mot qui soit, résumé de tant d'émotions.


Les maîtres du domaine (XVIIe -XXe siècle)
Les Thomas de Bélézy (XVIIe -XIXe siècle)

Au cours du XVIIe siècle, un sieur Thomas, propriétaire des terres de Bélézy, exerce la charge de docteur agrégé de l'université de la ville d'Avignon. Il est aussi vice-gérant de la dite cité, fonction qui a le privilège d'être anoblissante. Il est nommé marquis et porte le titre de marquis de Bélézy.En 1698, son unique fille épouse Dominique Claude de Raxis, fils benjamin de Louis de Raxis, comte de Flassan et seigneur de Pierreavon. Afin que perdurent le nom, le titre et les armes des Thomas de Bélézy, l'époux doit renoncer à ses droits sur le comté de Flassan.

Leur fils, Joseph François Guillaume Thomas, troisième marquis de Bélézy, est déjà mort lors des événements sanglants de Bedoin. Mais sa femme Marguerite et leur fille Mélanie, alors âgées respectivement de 61 et 28 ans, sont accusées de corrompre la Révolution. Leurs noms figurent parmi ceux des nobles, les premiers sur la liste des victimes de 1794 : celles qui eurent le triste privilège de la guillotine.Seul rescapé de la famille des Thomas de Bélézy, le jeune Félicien, alors officier d'infanterie, avait alors 29 ans. Selon la tradition locale, averti de l'arrivée des sans-culottes, il se serait caché quelques semaines dans les branches d'un cyprès, dans son domaine de Bélézy.

Certains disent dans le vieux cyprès, devant le mas, près du bosquet de platanes. L'arbre était-il tellement grand et touffu qu'il puisse dissimuler un homme ? Peut-on l'imaginer, notre jeune marquis, réfugié dans l'inconfort de ces bras tortueux, attendant, terrorisé, que l'orage passe ? Mais quel âge a-t-il donc, ce vénérable cyprès ? Félicien Thomas est déclaré hors-la-loi. Fugitif, il émigre en Italie où il acquiert le grade de capitaine au service du roi de Sardaigne. En l'an X (1801-1802), le préfet, estimant cet homme « irréprochable, honnête et doux », prononce son amnistie. Il rentre et épouse Philippine de Merles de Beauchamps qui lui donne de nombreux enfants.

Proposé comme sous-préfet d'Orange en 1807, il est nommé maire de la commune de Carpentras en 1812. Mais son destin subit une nouvelle fois les vicissitudes de l'histoire : Napoléon le destitue à son retour de l'île d'Elbe. Il ne retrouvera son poste qu'avec les Bourbons et l'occupera jusqu'en 1816, date à laquelle il se retire de la scène politique. Il meurt à Carpentras en 1846, à l'âge de 81 ans.La fortune de Félicien, qualifiée de très moyenne, constituée surtout d'immeubles à Carpentras et à Bedoin, son village natal, est alors partagée entre sa femme et ses enfants. Bélézy est vendu.

 

Les différents propriètaires

Les différents propriétaires (1850-1950)

L'acquéreur, Paul Anrès, vit aussi à Carpentras. Son fils Charles en hérite en 1856 et laisse le domaine en dot à sa fille, Marie-Rose, lorsqu'elle épouse Justin Seyssau, propriétaire à Monteux, en 1885. En 1911, à leur succession, Bélézy échoit à leur fils Charles, curé de Villes-sur-Auzon, qui décède quatre ans plus tard. Son frère Marie-Joseph, notaire à Monteux, alors héritier, constitue le mas de Bélézy en dot à sa fille Marie-Charlotte, qui demeure à Nîmes avec son époux Ernest Janot.

C'est vers cette époque que le bail à mi-fruits contracté par Victor Beynet nous renseigne sur quelques unes des nombreuses activités de l'ancienne ferme, où il y avait « bêtes de somme, bêtes à laine, animaux de basse-cour et ruches. »

Plus tard, en décembre 1923, l'acte de vente de Bélézy à Jean-Pierre, le fils de Victor Beynet, décrit ainsi la propriété : « maison de maître, bâtiments d'habitation et d'exploitation avec remise, écuries, cour, aire et dépendances, jardin avec fontaine, bassin, pigeonnier équipé d'une volière et d'une arrivée d'eau, tènement de terres : labour, vignes, pré, vergers d'oliviers, de pruniers et pêchers, bois de chênes kermès, truffières, mûriers et garrigues. »

Au cours de cette période, l'année 1935 est marquée par l'extraordinaire inondation qui dura deux semaines et atteint le triste record de 1,50 mètre. Les habitants du domaine, réfugiés sur les hauteurs, doivent déménager leurs affaires plusieurs fois. Cette inondation aura toutefois été bénéfique aux cultures, enrichies par le limon déposé. En avril 1941, Bélézy est à nouveau vendu à un couple originaire d'Annecy, Georges Montel et sa femme Marie-Louise.

Le domaine se présente alors sous un aspect peu favorable, comme nous en informe l'acte notarié : les bâtiments de maître et de ferme, dans un état de délabrement, sont à réparer de toute urgence ; il faut aussi remettre à neuf toutes les canalisations, les bassins et les réservoirs. Ces travaux, confiés à un monsieur Mallet, entrepreneur de Bedoin, modifient peu la structure interne du mas, la principale innovation étant l'adjonction, à l'arrière de la maison de maître, d'une construction hémicirculaire, destiné à accueillir le cellier au rez-de-chaussée et la salle de bains, au-dessus, à mi-palier.Parallèlement le couple Montel oriente l'exploitation agricole, tenue en métayage par Aurélio Santucci, vers la production d'asperges, pour laquelle on défriche bois et vignes. Cette culture appauvrissant la terre ne donnera bientôt qu'un rendement médiocre.Le chantier aura été de courte durée, puisqu'il est suspendu deux ans et demi plus tard, en novembre 1943. Mallet ne reçoit en effet plus aucune directive de Georges Montel.

À la fin de cette année 1943, ce chef de la milice de Vichy, à Annecy, doit probablement régler des affaires bien plus importantes que la rénovation de sn domaine provençal. Il sera d'ailleurs condamné à la Libération pour faits de collaboration, mais il s'est enfui, peut-être au Canada.Paradoxalement, au cours de cette période, sans doute à l'insu de Montel, Bélézy peut s'enorgueillir d'avoir recueilli Pierre Deval, peintre de talent. Michèle Gorenc, biographe de l'artiste, nous relate cet épisode : « Pierre Deval, artiste peintre, se réfugie à Bélézy, pendant quelques mois de l'année 1944. En effet, son domaine d'Orvès, à La Valette du Var, près de Toulon, est occupé par des officiers allemands. Madame Deval, ouvertement opposée aux autorités locales et aux occupants, s'expose à plusieurs reprises à des poursuites judiciaires. Aussi, pour éviter que les choses ne s'aggravent, le peintre s'installe dans la propriété prêtée par une relation d'un ami d'enfance.C'est ainsi qu'il emmène sa femme et ses deux enfants à Bélézy. avec la vingtaine de poules qu'il élève pour survivre. La propriété a, semble-t-il, un jardinier. Les relations sont bonnes avec le voisinage et le village de Bedoin : eu égard à son statut de réfugié, le maire n'accepte pas les oufs que Deval souhaite lui donner. Durant ces quelques mois, inspiré par le cadre paisible et agreste, Deval peint et dessine paysages et scènes de la vie campagnarde. Les oeuvres, huiles, aquarelles, croquis, en témoignent. Quelques-unes s'identifient aisément grâce aux titres mentionnés par l'artiste lui-même. Mais en raison de l'abondance de son inspiration, on peut penser que bien d'autres, aujourd'hui inconnues, ont du aussi être produites à ce moment-là. Certaines se trouvent peut-être encore à Bedoin même, ayant servi de monnaie d'échange, de troc, en ces temps difficiles. Le séjour des Deval à Bélézy dure peu. D'une part, une autre famille, amie des Montel, vient aussi s'y cacher en raison de ses prises de position trop pétainistes ; la cohabitation est difficile. D'autre part, les nouvelles de leur propriété d'Orvès sont alarmantes : les Allemands projettent de bouleverser complètement la maison de maître pour en faire une résidence d'officiers. Après le débarquement de Provence, en août 1944, Deval rentre chez lui à bicyclette avec son fils. Sa femme, sa fille. et les poules le rejoignent peu après. Deval a toujours gardé, exposé dans son atelier, un paysage de printemps représentant un curieux petit clocheton de couleur ocre rosé sur fond d'arbres en fleurs : le pigeonnier de Bélézy.

Marie-Louise conserve encore quelques années le domaine, puis le vend, en 1952, à l'industriel Théophile Geoffroy, mais celui-ci meurt un an plus tard et la propriété est partagée entre ses héritiers. Au cours de l'hiver 1965, Francis Schelstraete, quadragénaire lors domicilié à Villeneuve-les-Avignon (Gard), s'installe à Bélézy avec sa femme Brigitte. Ce sera un tournant décisif dans l'histoire du domaine.

Sandrine MAROCCI